COMPTE RENDU DES JOURNEES ECLATS DE FEMMES 6-7-8 MARS 2015

Pour cette troisième édition d’ « éclats de femmes », Pascal m’a demandé de résumer, de moissonner à l’intérieur de chaque intervention, quelques trésors afin de vous les offrir en un bouquet final. Voici donc ma moisson…

«  L’art de voyager » débuta donc le 6/03 à 16h03 avec le cercle de lecture de la médiathèque de la Guérinière ; nous étions soudain les témoins de cet échange entre intimité et passion du lecteur. Sous la conduite de Pauline, nous avons rencontré des livres en relation avec les femmes du voyage ou avec les femmes rencontrées lors des voyages notamment à travers « Le siècle des femmes » entre image et lecture à plusieurs voix, dans différents pays du monde. Je me souviens de Filda, d’Ouganda, qui avait perdu, à cause d’une bombe, l’usage de sa jambe et qui disait : «  maintenant que j’ai marché ici, je sais que je peux marcher partout sur la terre » et qui disait aussi qu’un ventre froissé signifiait « un souci ». Les commentaires des lecteurs engagés s’appuyèrent alors sur des écrivains voyageurs : Le Clézio avec Ourania, Kessel et les nuits de Sibérie ou comment ne plus rêver de Vladivostok ! Ou comment à l’inverse, aimer le goût de Budapest. Une lectrice nous présenta enfin le Golfe des peines de l’auteur chilien Coloan : « des récits percutants et somptueux ! », nous dit-elle.

19h03 le même jour : Les voix là, ensemble vocal féminin ; appliquées, émerveillées, facétieusement menées par Pascal. En alternance avec le chant, la poésie d’Andrée Chédid dite à plusieurs voix tandis que le chœur, qui est aussi le cœur écoute avec attention. Sourires des interprètes, migration incertaine des corps pour atteindre le demi-cercle tant souhaité par Pascal ! Que dire aussi des tricoteuses de sons, entre le silence et la jubilation de l’auditoire… et l’énergie de Pascal dont les pieds frappent le sol évoquant une sorte de flamenco. Ces femmes ensemble étaient fortes et belles.

Le 7 mars à 11h30 débuta l’atelier « Au nord du Nord «  mené par Nicole et Anne.

Un igloo où il fait chaud et dans lequel nous sommes guidés vers la découverte des peuples Inuit, sur une des bannières ornant notre igloo était écrit :

« Paroles magiques » pour guérir

Ô Temps, ô, ô temps,

Le lointain vers l’Ouest

Le lointain vers l’ouest

Je voudrais vivre un peu

Je voudrais vivre un peu

Je voudrais respirer un peu tranquillement

de la mer sa petite chose

de la mer sa petite chose

Je voudrais vivre un peu,

Je voudrais vivre un peu.

Avec elle, nous entrons progressivement dans un autre monde au rythme du tambour, choisissons un objet « don de la nature », plume, mousse, bois… cadeaux de la nature que nous échangerons et rendrons à la fin du deuxième atelier. Puis viennent les contes ; celui de la jeune fille jetée à la mer et celui de Séna déesse des mers et des profondeurs, fille mariée à un chien par son père. On se choisit un prénom inuit, le mien est Anoré qui signifie le vent, on inscrit ce prénom sur une pierre et on le scande 2 par 2 et sur tous les tons.

L’atelier reprend le lendemain, même heure, même endroit avec d’autres contes : le chasseur d’ours, l’histoire de la jeune fille qui ne voulait pas se marier…

«  Nos contes, disaient les Inuits, sont des récits puisés dans l’expérience humaine, ils sont l’écho de ce qui doit être dit. La sagesse de nos pères parle à travers nous. »

Et le mot qui clôture le conte est « Toufaye ».

L’ours qui danse, sculpture inuit et qui a le nez en l’air signale l’extase de vivre et frappe le sol lourdement pour communiquer sa joie. L’ours dansant me fit penser à une phrase de Pina Bausch (dont Wim Wenders fit le titre d’un documentaire) : « Dansez, dansez, sinon nous sommes perdus !  »

Mais revenons au 7 mars à 13h43, le temps du Café-lectures avec Jeanne-Claire Zanotti et l’écriture flamboyante d’Isabelle Eberhardt, cette jeune femme qui voyage au début du 20ème siècle, vêtue comme un homme et qui mourut à 27 ans emportée par les eaux d’un Oued. Il y a autour de ce voyage dans l’écriture d’Isabelle, le regard de Jeanne- Claire qui la lit, et nous cherche, et nous trouve, au travers des silences qui nous suspendent à sa lecture. S’égrainent ainsi l’histoire de la laveuse des morts : la femme qui aide dans nos sociétés traditionnelles ; émotion et force dans la lecture engagée de Jeanne-Claire ; puis l’épopée de l’amour arabe et la femme sorcière volant la main d’un mort pour en faire un mauvais sort : « Pain pétri avec une main de mort (…), celui qui en mange aura le cœur qui se dessèche. » Viennent ensuite les portraits des vieilles amoureuses et l’écriture fait aussi le portrait des paysages, somptueux, magnifiques, ils accompagnent et magnifient les destins humains. Cette lecture qui se termine pour nombre d’entre nous au bord des larmes mêle à travers l’écriture épique de ces portraits de femmes, le temps suspendu et profond de l’écriture.

Le 7 mars entre 14h33 et 15h03, je tente de découvrir mon don d’ubiquité pour assister à l’atelier de Loene Nielsen «  Le Nord du Nord » et vite ensuite au film : »En route avec Daphné et Dahlia. J’ai juste le temps de découvrir la thématique de l’atelier : découper, comme si l’on faisait un trou dans la glace, un cercle de papier peint blanc et rugueux sur lequel, à l’aide de différents matériaux, chacune s’exprimera ; découpant, collant, dessinant… Puis je pars rejoindre Daphnée et Dalhia sans savoir ce que donnera la consigne de Loene, mais je découvre les œuvres le lendemain matin, avec curiosité et bonheur et je les photographie pour pouvoir en parler. Merveilles d’ingéniosité et de créativité. Je file au film pour découvrir le voyage de Thomas Carabistouille, conteur itinérant. Lui et sa roulotte tractée par Daphné et Dahlia, deux superbes vaches normandes. Il se déroule alors un voyage à pas d’homme d’environ 5 mois. Arrêt dans les villages, les écoles ou pour des blessures aux sabots ou aux cornes ; une aventure émouvante et joyeuse, incongrue et nécessaire. Sans doute la compagnie des animaux nous rend-t-elle plus humain ? L’arrivée du voyage se fait à Noirmoutier et là je me demande à quoi pensent les héroïnes sur le sable d’une plage ?

17h03, le 7 mars, toujours.

Le voyage intérieur du monologue théâtral avec Françoise Heulot-Petit accompagnée pour la lecture des textes par Mariette Barret et André Sarfati. Pour cette Maître de conférences dans les Arts du spectacle, l’exercice habituel devient là plus intime puisque son cheminement sur le monologue intérieur est ponctué de la lecture de deux textes qu’elle a écrits, nous faisant découvrir à côté de l’assurance universitaire, la fragilité de celle qui écrit. Nous apprenons beaucoup, notamment sur les procédés dramaturgiques qui interviennent dans le monologue théâtral :

  • L’épique
  • Le lyrique
  • Le dramaturgique

Et comment ces trois fils de construction et de lecture s’entremêlent et se délimitent.

L’intérieur du voyage entrepris par Françoise Heulot-Petit est dans son écriture qui représente comme elle le formule : »Quelqu’un d’autre en moi »

19h03 Compagnie l’étincelle des muses

Travail théâtral à partir de la transmission de la tradition par le chant polyphonique.

Trois comédiens, la place d’un village suggéré, un couple qui parle italien, une voyageuse d’abord maladroite (son portable sonne déclenchant des réactions agacées du public), puis candide ; et le dialogue qui s’installe à travers les voix et les chants qui vont permettre le dialogue en dépit de la barrière de la langue. Des objets traditionnels, des senteurs savamment choisies, le bruit délicieux de l’eau qui coule accompagnent ce travail théâtral d’une grande finesse. Trois voix singulières et à l’écoute l’une de l’autre. La musique adoucit les mœurs ! Là chacun suit sa voix (e ?) pour que l’ensemble sonne à l’unisson. Je n’oublierai pas le chant qui sanglote, les notent qui se frottent dans l’émotion et la convivialité.

Le 7/03 à 21h33 (Je crois que nous avons commencé à 21h34 !)

Nous suivons le voyage à pied de Claudie Duranteau, de son chien et de l’âne Roméo qui a duré 2 mois. Le support visuel est fait de photos qui se succèdent au rythme de la voix, du récit de la conteuse. Nous la suivons, elle nous guide sur ses traces : «  le désir était là depuis toujours dit-elle, une grande balade toute seule » avec le projet de dormir chez les gens et de proposer en échange quelques histoires. Rencontres belles et fortes, échanges autour de l’utopie et du rêve : « Et vous, votre rêve c’est quoi ? »

Douceur du récit, respect intact des êtres rencontrés.

Il faut prendre son temps et éviter à Roméo que le « bât ne le blesse » et ne pas hésiter à s’excuser auprès de lui quand on lui fait mal. Comment ? En s’accroupissant devant lui jusqu’à sentir sa tête qui viendra se poser sur votre épaule. On comprend bien la difficulté de Roméo à passer le bac (il n’est pas le premier !), il n’aime pas non plus passer sous les ponts. Stratégie et négociation de la part de Claudie : « bon ben, j’y vais moi, Roméo » Le pauvre Roméo est bientôt perdu sans son repère humain et finit par appeler avant de s’efforcer de vaincre sa peur. Beauté de la lumière se reflétant dans l’eau du canal pour Roméo sous la pluie, Roméo avec les canards… Confiance et lâcher prise de la part de Claudie qui rencontre un sage silencieux et qui se demande si elle va sentir sa barbe pousser. Cette aventure humaine m’inspire le slogan suivant : « libérer les corneilles et s’allonger dans l’herbe »

8 Mars 13h43 A la dérive un voyage littéraire au pays d’Anaïs Nin avec Gwenn Guéry et Sébastien Hergott.

La voix d’un homme posé sur les textes d’une femme et la douceur d’une guitare comme une invitation au voyage. Evocation et lecture émouvante dans laquelle je puise mots et phrases :

« le miroir et l’enfant, nul reflet d’enfance, juste des sentiments, des notes des visages, des odeurs, des saveurs »

«  Flotter pour être dans le rythme universel, être liée au monde entier »

« Naviguer vers la joie qui s’échappe comme le sommeil s’envole »

« Ce qui n’est pas vivant, je veux le jeter »

«  De l’Espagne, on passe à un congrès de psychanalyse à Long Beach, découvrant alors la longue promenade en planches et l’hôtel rouge et or… là où la mer ne peut entrer.

Ce voyage dans l’écriture d’Anaïs Nin est une poésie allant du où l’on guérit la folie en mettant le fou à côté d’un cours d’eau, à Fès aux nuits d’amour.

Une fois encore, l’écriture par la lecture et la musique nous touche infiniment grâce à ses interprètes.

En résumé, au fil du chant, au fil de la voix, au fil de l’émotion, au pas de l’homme et de l’animal, à l’écoute fine de l’écriture, à celle du jeu et de l’interprétation, j’ai trouvé des échos, des passerelles entre les interventions. J’ai vu Anaïs Nin et Isabelle Eberhardt se tenant par la main ; la marche de Thomas rencontrer celle de Claudie, le voyage intérieur appeler le voyage immobile, les Voix-là entrer en connivence avec les voix du fil de l’eau et l’atelier au Nord du Nord entrer en connivence avec son presque jumeau l’atelier « le nord du Nord ».

Les quelques mots retenus pour ce bouquet final seraient enfin :

Talent, authenticité, sincérité, convivialité.

Un public accueillant, chaleureux, ouvert, communiquant, bienveillants pour la chaleur des cœurs et l’étincelle des esprits.

Lydia Gaborit 8/03/2015

 

 

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